dimanche 6 novembre 2011

TUNISIE : LA PREMIÈRE LAÏCITÉ MUSULMANE ?

L'HISTORIEN ET PENSEUR MUSULMAN MOHAMED TALBI LIVRE SES IMPRESSIONS SUR LA RÉVOLUTION TUNISIENNE, À LA VEILLE DE L'ÉLECTION D'UNE ASSEMBLÉE CONSTITUANTE. ET MET EN GARDE CONTRE LA TENTATION ISLAMISTE EN RAPPELANT QUE LA CHARIA N'A AUCUN FONDEMENT CORANIQUE

Tunisie : la première laïcité musulmane ?
Auteur Mohamed Talbi
L’essentiel a été fait, et merci à l’équipage qui, contre vents et marées, a mené notre navire à bon port : le 23 octobre, pour la première fois dans notre histoire, nous choisirons, à travers des élections vraiment libres et démocratiques, notre destin. La première Constitution tunisienne date de 1860, c’est la première du monde arabo-musulman ; la deuxième de 1958 ; la troisième sera celle de 2011. Ouvrira-t-elle, à plus ou moins long terme, la voie au califat théocratique – la pire forme de tous les totalitarismes –, vœu secret de tous les salafistes quels que soient leurs déguisements démocratiques opportunistes ?
Je souhaite que mon pays, qui a donné au monde arabe, pour la première fois dans son histoire, la démocratie, lui donne aussi la première laïcité musulmane. Je crois que c’est possible. Je propose donc comme premier article de la troisième Constitution tunisienne : « La Tunisie est une république libre, démocratique et laïque. La majorité de sa population est musulmane, de langue majoritairement arabe, langue officielle du pays. L’État laïc tunisien garantit pour tous les citoyens la liberté de conscience, de croyance et d’expression, et leur assure un ordre de paix et de coexistence pacifique dans le respect de la loi. » Pour nous, ce premier article trouve son fondement et sa justification à la fois, primo dans la Constitution de Médine, la première écrite au monde ; secundo dans le Coran.
En effet, le seul obstacle à la laïcité vient exclusivement de la charia. Or celle-ci n’a aucun fondement coranique. De fabrication humaine et relativement tardive, elle n’oblige aucun musulman en conscience. Seul le Coran oblige. La question exige un long développement qui n’a pas sa place ici. Je me limite donc à un simple constat incontestable. La première somme consacrée à la charia est le Kitâb al-Umm, de Shâfi’î, mort en 804. Auparavant, c’est-à-dire près de deux siècles durant, les musulmans avaient vécu sans charia. Ils pourraient donc s’en passer de nouveau, et s’en porteraient d’autant mieux que sous les pesanteurs de l’Histoire, par le hukm al-ridda (la loi sur l’apostasie), inexistant dans le Coran, la charia a pris une forme terroriste incompatible avec la liberté et la démocratie. Sans charia tout le monde se porterait mieux. C’est dans ce sens que je travaille en tentant de rénover la pensée musulmane, condition sine qua non pour retrouver notre place dans l’Histoire, voire la redynamiser.
Venons-en maintenant à la Constitution de Médine. Elle fut négociée par le Prophète en l’an 1 de l’hégire, entre toutes les composantes sociales de la cité-État, polythéistes, juifs et musulmans. Dans ses 47 articles, il n’est nulle part question d’une religion de l’État. Il s’agissait d’une Constitution laïque.
Passons au Coran. Il n’est ni un code ni une Constitution. Il est le « Livre de l’Heure », un appel à tous les hommes, partout sur terre, où qu’ils soient, en Orient ou en Occident, pour que chacun d’entre eux cherche individuellement son salut, indépendamment du régime sous lequel il vit. Il garantit à tous les hommes la liberté de conscience : « Pas de contrainte en matière de religion » ; « Ô vous croyants ! Occupez-vous de vos affaires. Ne vous porte aucun préjudice celui qui s’égare, si vous êtes sur la bonne voie » ; « Si ton Seigneur l’avait voulu, Il aurait fait de tous les hommes une communauté unique. Or, ils ne cesseront jamais de vivre dans la diversité. »
Appliquons ces principes, et nous fonderons une laïcité musulmane, respectueuse de toutes les libertés, des droits de l’homme, et de la démocratie, garantissant à tous les hommes une coexistence pacifique et fraternelle sur notre planète Terre, chacun vivant librement sa diversité singulière. 

mardi 1 novembre 2011

GHANNOUCHI MET LA TUNISIE SOUS CONTRÔLE QATARI

Le premier pays auquel Ghannouchi rendra visite après les élections c'est le Qatar, c'est à dire un pays de moins d'un million d'habitants. 

A moins qu'il s'y soit rendu pour remercier son généreux donateur qui l'a soutenu via sa TV personnelle Aljazeera et qui a financé sa compagne électorale. Grâce auquel il a pu dépenser sans compter pour acheter les voix des électeurs, en faisant du populisme. 

Mais aussi pour prendre, je suppose, ses ordres pour la suite de la politique que l’Émir voudrait pour la Tunisie.
De même que l’Émir du Qatar assure vouloir assister, pardon honorer par sa présence la séance inaugurale de l'assemblée constituante.

Au moins les choses deviennent claires ainsi : Ghannouchi met la Tunisie sous contrôle qatari !

Rachid Barnat

LETTRE OUVERTE AUX JEUNES DEMOCRATES

Lettre parue dans : Ifriqiya Magazine


La Tunisie est à la croisée des chemins. Elle a une chance qui risque de ne pas se reproduire de si tôt, pour instaurer un vrai régime démocratique. Mon inquiétude est de ne pas tomber dans les pièges du passé et de nous retrouver leurrés par des partis totalitaires pour qui la démocratie n’est qu’un moyen pour accéder au pouvoir.


Pour rappel, mon père Boubaker Barnat, un grand résistant qui a sacrifié sa jeunesse (il a commencé à militer dés l’âge de 15 ans, à plusieurs reprises emprisonné pour raison politique ; puis condamné à mort ; à la fin, gracié par le général De Gaulle) pour lutter pour l’indépendance de son pays et pour l’instauration d’un régime républicain, démocratique et laïque ; très vite il va déchanter.

S’il avait accepté l’autoritarisme du début du règne de Bourguiba, qu’il estimait nécessaire pour imposer les réformes indispensables pour la modernisation de la Tunisie (statut de la famille, statut de la femme ….), qui seront suivies selon lui nécessairement par l’instauration d’une véritable démocratie, suite logique à « la politique des étapes » de Bourguiba (sia’set el mara’hel); très vite il a senti venir le piège qui va mener Bourguiba vers un régime autocratique, voir despotique vers la fin de son règne, grâce à une machine à broyer toutes les résistances : le Néodestour, parti unique. Et c’en était fini de la démocratie sous Bourguiba.
Et de cela, mon père discutait souvent avec ses amis, anciens codétenus : Mr Behi Ladgham, devenu ministre de la défense puis premier ministre ; Mr Mongi Slim, ambassadeur de la Tunisie auprès de l’ONU, entre autres. Bien que déçus, ils étaient impuissants devant ce parti devenu trop puissant.

Puis en 1987, suite au beau discours-programme de Ben Ali, à mon tour j’ai cru enfin à une possible démocratie dans la Tunisie post Bourguibienne. A mon tour de déchanter quand, 2 ans après son arrivée au pouvoir, la machine Néodestour rebaptisé RCD (Rassemblement pour le changement démocratique), va instaurer un régime autocratique encore plus dur que celui de Bourguiba.

La suite, tous nos jeunes la connaissent puisque c’est eux qui ont « dégagé » le tyran.

C’est pourquoi je me méfie de tout parti qui a vocation au totalitarisme. Dont les partis islamistes. Plus particulièrement Ennahdha qui a la cote auprès de beaucoup de jeunes qui croient à leur discours « modéré ». Je ne crois pas comme certains démocrates, que nous aurions en Tunisie un islamisme « modéré ». Cela n’existe pas. Leur programme est clair, c’est du salafisme qui se fonde sur : « le Coran + la Chariâa ». S’ils en dévient, c’est qu’ils sont hypocrites. Ils sont condamnés à l’appliquer et de plus en plus rigoureusement. C’est pourquoi les dérives vers le totalitarisme sont réelles….

Ce parti islamiste Ennahdha (Renaissance) et son chef Ghannouchi, grands vainqueurs des récentes élections générales, essaient de se refaire une virginité sur les ruines de l’ancienne dictature Ben Ali.

Pourtant, force est de constater que les islamistes du parti Ennahdha, longtemps en embuscade, n’ont pas joué un rôle majeur dans le renversement du régime de Ben Ali.

Mais en tant que parti des plus organisés, bien financé et soutenu par les émirs du Golfe et leurs médias, ils ont su tirer les marrons du feu en infiltrant les couches sociales les plus déshérités de la société tunisienne, surtout dans le sud du pays en multipliant actions et discours populistes.
Le problème, c’est que leur discours est ambigu. Ils peuvent tenir 3 à 4 langages à la fois.
Monsieur Ghannouchi nous dit officiellement qu’il respectera les libertés publiques, que les droits seront les mêmes pour les hommes et les femmes, qu’il n’imposera pas le port du voile aux femmes. 
Pourtant jadis disciple de Nasser, il n’a jamais dissimulé sa sympathie active pour la doctrine de Hassan el-Banna, le fondateur égyptien des Frères musulmans. Lorsqu’il a fondé son mouvement islamique en 1981, c’est-à-dire l’année où Anouar el-Sadate a été assassiné par les islamistes, il savait bien qu’ils n’étaient pas des démocrates. Puis il va se rapprocher du Soudan dont il fera l’éloge de son président respectueux de la chariâa. 

Et voilà qu’il se découvre proche de Recep Erdogan, et se met à louer le régime turc et sa façon de concilier l’appartenance à l’islam et la défense de toutes les libertés. Il va jusqu’à nous affirmer qu’’Ennhada ressemble à l’AKP, le parti du premier ministre turc Recep Erdogan qu’il qualifie d’islamisme modéré. Sur ce point, Monsieur Ghannouchi se moque de nous car islamisme et modération sont antinomiques.

Par ailleurs, à la question de la séparation du politique du religieux, les réponses de Rached Ghannouchi restent toujours évasives s’il n’élude la question ou, pire, refuse d’y répondre. Ce qui n’annonce rien de bon pour les tunisiens.

Rached Ghannouchi est un manipulateur qui cherche à endormir les opinions publiques occidentales. Sa doctrine est ambiguë, il dit tout et son contraire. Et comme l’écrit Hamadi Redissi, le président de l’observatoire tunisien de la transition démocratique : « Ses sources intellectuelles sont toujours les mêmes : Hassan el Banna, le fondateur égyptien des frères musulmans ainsi que d’autres islamistes radicaux. »

Qui plus est, Ghannouchi ne se gêne pas pour dire qu’Ennahdha doit gérer le ministère de l’éducation. Quand il déclare que les tunisiens sont devenus franco-arabes et que c’est de la pollution linguistique, il reprend un des thèmes chers au FIS, en Algérie. Ce qui en dit long sur le peu d’ouverture d’esprit du personnage et sur les décisions qu’il pourrait être amené à prendre.



Il lance cette nouvelle polémique pour créer une nouvelle zizanie parmi les tunisiens, comme il l’a fait dés son retour de son exil londonien à propos de la pratique religieuse des tunisiens, qu’il estime pas suffisamment pratiquants, voir « mécréants » ; puis de leur identité. Remplaçant par des discours populistes, un programme politique qu’à l’évidence il n’a pas. 

Il entend, dit-il créer le modèle le plus démocratique du monde arabe. Alors que nous savons qu’il est soutenu et financé par les émirs du Golfe et par l’Arabie dont l’unique souci est d’empêcher que la révolution tunisienne réussisse et aboutisse à une réelle démocratie et à la modernisation de la Tunisie. Son rôle est de promouvoir le wahhabisme de ces monarques, arme parfaite pour dominer leur peuple en les abrutissant de « religiosité ». Il finira par l’imposer aux tunisiens. Pour cela, il va neutraliser les aspirations des tunisiens à la liberté et à la démocratie, deux notions, oh combien dangereuses pour ces monarques, qu’ils veulent étouffer avant qu’elles ne se propagent parmi leurs peuples aussi. 

Il suffit de voir ce qui se passe dans les pays qui sont tombés entre les mains des salafistes-wahhabites, ayant adopté la chariâa comme Code Civil : Pakistan, Afghanistan, Soudan, Somalie, les pays du Golfe et d’Arabie…..pour comprendre que Ghannouchi et son parti leurrent les tunisiens en leur promettant la défense de toutes les libertés. Sont-ce des pays exemplaires sur le plan des libertés individuelles comme sur le plan économique et industriel pour vouloir importer leur modèle en Tunisie ?

En ce qui vous concerne entrez dans la modernité, saisissez vous des outils de la démocratie (inscription sur les listes électorales, participation aux votes, adhésion aux partis progressistes, participation aux associations citoyennes…), de la liberté et ne vous laissez ni séduire ni entraîner vers ceux qui veulent vous tirer vers le passé et la régression. Ne tombez pas dans les deux pièges que l’on vous tend pour vous faire croire que vos choix seraient contraire à la religion et qu’ils feraient de vous des « occidentaux » et des « mécréants ». Ce ne sont là que des outils de propagande pour ceux qui veulent seulement conquérir le pouvoir en instrumentalisant la religion. Ne soyez donc pas dupes ni utopistes. Restons réalistes.

Souvent les islamistes, narquois nous disent que la démocratie est un concept occidental, dont ils ne trouvent pas trace dans le Coran….Et Recep Tayyip Erdogan, le « modéré », expliquait en 1994 que « la démocratie représente un moyen et non une fin ».

C’est pourquoi je persiste à dire que tous les tunisiens épris de leur liberté doivent rester vigilants et critiques pour suivre toutes les actions politiques de ce parti sorti majoritaire de la première consultation du peuple. 

Et se rappeler que nous sommes tous musulmans et nul n’a besoin qu’on lui impose la manière d’exercer sa foi. Refusons que les islamistes s’immiscent dans la foi des tunisiens.

Les islamistes habilement ont dénaturé le concept de laïcité en le présentant comme une notion anti-islam. Ce qui est faux et relève d’une malhonnêteté intellectuelle volontaire pour effrayer la masse populaire ! Puisque l’idée même fondatrice de la laïcité est de permettre l’expression de toutes les croyances : le religieux doit rester dans la sphère privée et ne pas empiéter sur la sphère publique ; la République garantissant à tous la liberté du culte.

Je ne voudrais pas qu’on vous vole votre révolution ni votre rêve de Démocratie, comme on l’avait volée à d’autres qui se sont sacrifiés pour ces valeurs, en permettant en son nom à un parti d’instaurer un régime théocratique totalitaire en remplacement d’un régime autocratique totalitaire lui aussi.
Car l’occasion risque de ne pas se reproduire quand les écoles coraniques auraient pris le relais des écoles républicaines qui ont formé les jeunes qui se sont révoltés ainsi que leurs parents qui leur ont donné le goût du savoir. Une génération ou deux de jeunes sorties d’un système « islamiste» et c’en est fini du libre arbitre qui mène à la révolte et aux révolutions quand le pouvoir vire à la dictature ; puisqu’en bons salafistes, les islamistes abhorrent la philosophie et ce qu’elle a de mieux : la dialectique qui permet la confrontation des idées. Ce que l’imam Malek pratiquait pour son ijtihad. Alors que l’imam Abdel Wahhab l’interdit. Or n’oubliez pas que la Tunisie est traditionnellement malékite. 
Refusez le wahhabisme.

Restez donc vigilants et ne vous laissez pas voler votre révolution ni bafouer les principes qui ont animés votre révolte pour lesquels vos camarades se sont sacrifiés : LIBERTÉ, DIGNITE et TRAVAIL ; par des opportunistes qui n’ont d’autre programme que de vous convertir au salafisme version wahhabite. Les tunisiennes et les tunisiens ont gagné leur droit à la liberté à travers leur révolution, il ne faudrait pas qu’une autre dictature vienne les en priver.

Rachid Barnat







samedi 29 octobre 2011

LAISSER ENNAHDHA SE DEBROUILLER SEULE

Lettre parue dans : Kapitalis 
et dans : Ifriqiya Magazine

Pourquoi Ennahdha tend-t-il la main aux autres partis et souhaite-t-il une large coalition ? D'abord parce qu’il n'a pas la majorité et qu'il doit nécessairement s'allier. Ensuite, parce qu’en faisant alliance, il trouble le jeu et enlève aux partis laïcs leur marque et cela en vue des très prochaines élections (législative et présidentielle).
Ennahdha a, quant à lui, une bonne visibilité. Alors que les autres partis perdront toutes particularités dans l'alliance avec Ennahdha.
Par ailleurs si les résultats ne sont pas là, et c'est certain (le temps est trop court), il ne sera pas possible d'imputer l'échec à Ennahdha : chacun sera dans la même position aussi bien Ennahdha que le parti allié.
Dés lors une large coalition est tout bénéfice pour les islamistes, alors que les autres partis ont tout à perdre.

La démocratie a besoin de clarté : par l’existence claire d’une majorité mais aussi d’une opposition claire elle aussi. Car l’existence d’une opposition claire est la condition de la possibilité d’une alternance du pouvoir qui est la caractéristique d’un régime démocratique.

Or les résultats des élections Tunisiennes à la Constituante ont donné à Ennahdha la place indiscutable de premier parti politique dans le pays. Mais ce parti, tout en étant le premier, n’a pas la majorité nécessaire pour gouverner seul. C’est la raison pour laquelle depuis que le résultat est connu, ce parti parle d’alliance et tend la main aux autres partis en parlant de gouvernement de coalition.

Certains soutiennent cette idée de gouvernement de coalition en prétendant qu’il faut dépasser les clivages dans l’intérêt supérieur du pays. Il est vrai que, dans certains cas de grandes difficultés, il est nécessaire que des forces politiques se coalisent pour faire face aux défis.
Est-on dans ce cas ? Et les partis « non religieux » ou certains d’entre eux, doivent ils s’allier à Ennahdha ?

Je pense que ce serait une très lourde erreur et que les partis qui s’allieraient à celui d’Ennahdha ne tarderaient pas à en payer le prix.
- Une erreur d’abord, parce que pour faire une alliance, il faut un programme minimum commun.
Or la différence entre des partis qui se fondent sur la religion et les autres, est à ce point fondamentale que ce serait le mariage de la carpe et du lapin…Dans une telle alliance l’un des participants doit renoncer à l’essentiel. Et soyons sûr que ce ne sera pas les islamistes.
- Plus grave encore, une telle alliance va banaliser le parti islamiste et lui permettre de se renforcer pour rebondir plus fort plus tard et lui donner ainsi l’opportunité de ne plus avoir besoin dans l’avenir de cette alliance. Le parti qui se sera alors allié avec Ennahdha, sera le dindon de la farce.
- Il ne faut pas oublier enfin qu’il va y avoir dans un très proche avenir (environ un an), des élections législative et présidentielle ; et que si des partis s’allient avec Ennahdha ils supporteront l’échec prévisible de ce gouvernement. Car il est vain de croire que les problèmes, notamment économiques de la Tunisie, seront réglés en un an par ce gouvernement.
- L’alliance permettra à Ennahdha de récuser sa responsabilité dans cet échec à l’égard de la désillusion des Tunisiens.
- Enfin en s’alliant ainsi, ces partis « non religieux »  perdront leurs marques propres alors que Ennahdha est un parti fortement identifié et qu’il en sortira renforcé.

Je pense donc qu’il faut laisser le pouvoir à Ennahdha qui trouvera, sans doute, quelques petits partis pour compléter sa majorité. Mais les autres doivent rester dans une opposition claire, déterminée et qui pourra, le moment venu, offrir aux tunisiens une alternative crédible, ce qui ne sera absolument pas le cas, en cas d’alliance.

Rachid Barnat


vendredi 28 octobre 2011

LETTRE OUVERTE AUX NOUVEAUX ELUS


Lettre parue dans : Kapitalis

Vous venez d’être élus à l’Assemblée Constituante, au terme d’une période révolutionnaire et à la faveur d’un scrutin historique qui a été à la fois transparent pour la première fois de l’histoire de la Tunisie et qui a vu une participation magnifique qui montre l’attachement des Tunisiens à la liberté de vote ; ce qui vous donne une très grande légitimité. Une fois de plus les tunisiens auront étonné le monde entier par l’engouement (plus de 90 % des inscrits) qu’ils ont manifesté pour ces élections, après l’avoir étonné par leur révolte par laquelle ils ont chassé leur dictateur.

Vous mesurez, je le pense, le rôle historique que vous allez jouer et, du coup, la responsabilité immense qui est la vôtre, à chacun d’entre vous, à l’égard du peuple Tunisien. Au moment où vous allez rédiger ensemble la nouvelle Constitution du pays, sachez que vos enfants vous regarderont agir et que vous aurez à leur rendre des comptes. Essayez donc d’être à la hauteur des enjeux qui sont de donner à vos enfants un pays qui leur permettra de s’épanouir et de progresser.

Je pense  que vous  avez tous la volonté de faire le mieux pour votre pays et je voudrai vous rappeler quelques règles simples qui devraient, selon moi, guider votre action.
Il faut d’abord que vous ayez conscience que vous n’allez pas, dans l’immédiat, agir sur la vie politique au jour le jour mais que vous allez réfléchir et voter sur les règles d’organisation des pouvoirs car ce sont ces règles qui ensuite permettront d’organiser une vie politique riche et porteuse d’espoir.

Que veulent les Tunisiens ? En faisant leur révolution et en chassant le dictateur, ils ont adressé quelques demandes simples :
- Ils ont souhaité d’abord la liberté. Ils ont dit qu’ils ne voulaient plus vivre dans la peur et dans le silence.
- Ils ont ensuite dit qu’ils voulaient éradiquer la corruption sous toutes ses formes et permettre l’existence d’un véritable Etat de droit.
- Ils ont dit enfin qu’il fallait mettre un terme au déséquilibre économique trop profond entre les régions et entre les différentes classes sociales.
Je ne crois pas trahir les aspirations du peuple tunisien en les résumant en ces trois demandes essentielles.

Je voudrai vous dire que pour parvenir à les satisfaire, la Constitution devra respecter un certain nombre de principes essentiels :
- Si l’on veut que la liberté réclamée par le peuple existe réellement, il faut que l’on ne passe pas d’une dictature à l’autre. Or cela exige selon moi que la Constitution se réfère expressément à la Déclaration Universelles des droits de l’homme qui n’est pas réservée à l’Occident mais, comme son titre l’indique, à l’ensemble des hommes.
- Si l’on veut éradiquer la corruption et éviter qu’elle ne gangrène, à nouveau, la vie du pays ; il faut que la Constitution organise une Justice indépendante, disposant de réels pouvoirs et que, nul dans le pays, ne soit à l’abri de cette Justice.
- Enfin, la Constitution devra organiser la vie des régions de manière à assurer un égal développement pour chacune d’elle.

Voilà, me semble-t-il, les principes qui devront guider vos choix. Vous devrez éviter les compromissions, les demis mesures pour satisfaire chacun.
Soyez fermes sur ces principes et le peuple Tunisien vous en sera reconnaissant.

Rachid Barnat


LE JOUR "J" DES ELECTIONS POUR LA CONSTITUANTE



A voté !



Le bulletin de vote : presque un journal !

Pour mon premier vote en Tunisie, je me suis rendu à Tunis même pour accomplir ce geste citoyen tant attendu et tant rêvé par beaucoup de tunisiens. Le dimanche 23 octobre j'ai fait un petit tour en voiture avec ma soeur. Et toutes les écoles devant les quelles nous étions passés depuis chez elle (la Mannouba) jusqu'à Mutuelleville, nous étions surpris de voir l'importante affluence matinale et dominicale des électeurs vers les bureaux de vote. 






Pour voter, faites la queue !


Puis je me suis rendu à mon école de la place Mandés France à Mutuelleville pour voir comment ces premières élections post révolution seraient vécues par les tunisiens. 




A mon grand étonnement, les tunisiens ont répondu présent en masse. Ce qui démontre bien leur soif de démocratie. J'étais surpris de voir dés 8 h du matin une queue longue de deux pâtés de maisons, et des rues encombrées de voitures dans tout le quartier de mon ancienne école. Cela faisait chaud au coeur. J'y suis retourné avec ma soeur pour accomplir mon devoir, et à ma grande surprise je croise à ancien camarade d'école et de quartier, devenu très jeune le premier champion incontesté des jeux aux échecs de la Tunisie : maître Slim Bouaziz.






Découragé de voir une si longue queue pour voter, il s'en retournait chez lui pour revenir plus tard dans l'après midi. Je l'ai encouragé pour m'accompagner et faire la queue comme tout le monde. 






Une autre surprise m'attendait : les tunisiens faisaient la queue parfois pendant 3 à 5 h sans rechigner, dans le calme et avec une discipline étonnante. Une ambiance de fête régnait tout le long de la queue des votants. Les gens se parlaient sans se connaître. On sent la parole  libérée : plus de méfiance des uns des autres. C'était jubilatoire de voir les tunisiens débarrassées de la peur que leur avait inoculée ZABA. 






Deux dames qui faisaient la queue avec moi,  ma soeur et mon ami Slim, se sont intégrées à notre discussion. Slim toujours original et drôle, m'apprend son engouement pour le tango qu'il découvre. Son souhait est de créer une école de tango à Tunis. Nous en avons beaucoup ri. L'une des dames m'a dit son émotion de nous voir Slim et moi évoquer notre enfance et parler de projets pour une Tunisie nouvelle; et de nous voir rire de nos souvenirs. Elle nous a dit que nous évoquions pour elle l'image même du tunisien dans sa bonhomie, sa gentillesse et sa courtoisie qui font sa spécificité alors que certains voudraient l'inclure dans d'autres identités (arabomusulmane) loin de la nôtre ; faisant allusion au discours identitaire de Ghannouchi et des siens. 
Un instant on se serait cru en mai 68. 


Au lendemain j'apprends que le taux de participation atteindrait les 90% des inscrits ! A la TV  tunisienne, un représentant de la ligue arabe disait son étonnement et sa grande surprise devant le déroulement des élections. Il disait que les tunisiens donnent une leçon aux peuples arabes : de civisme mais aussi de discipline.  
Malheureusement les forces rétrogrades (financées et soutenues par le Qatar et autres monarques saoudiens) ont eu 90 sièges sur les 217. Des analystes politiques expliquent que l'erreur faite par les démocrates progressistes était de n'avoir pas été porter leur parole auprès des gens pauvres du fin fond du pays. Ce qu'Ennahdha a su faire. D'autres parts beaucoup d'irrégularités ont été commises par ce partis en dépit des règles électorales, mais qui n'ont pas fait l'objet de poursuite en annulation du scrutin de peur, j'imagine, de victimiser ses membres ! Dans  certains centres des témoins rapportent que les personnes âgées étaient parfois accompagnées dans l'isoloir par des membres d'Ennahdha qui supervisent le "bon" déroulement des élections, pour les aider à cocher la bonne case.


J’espère que cet engouement des tunisiens pour la liberté et la démocratie sera préservé par les partis minoritaires : il leur suffit de s'unir pour faire front à Ennahdha, qui se voit déjà au pouvoir et le fait croire aux petites gens. Alors qu'il y aura d'autres rendez-vous électoraux pour les législatives et pour la présidentielle. 
Espérons aussi que les partis progressistes tireront les leçons de leurs échecs lors de ce premier rendez-vous avec les tunisiens libres.


Rachid Barnat

HUMEURS SUR UN BATEAU ......

Il est curieux que ceux qui votent Ennahdha continuent à vivre dans un Occident décrié par leur parti. A commencer par leur chef : Ghannouchi le salafiste, a choisi pour exil l'Angleterre, alors que des pays où des salafistes sont au pouvoir, ne manquent pas dont le Soudan dont il admirait son président et sa politique et qui lui a remis un passeport soudanais ! Leur hypocrisie est révoltante. Pour l'illustrer, je rapporte un débat auquel j'ai assisté fortuitement à table dans le restaurant du "Carthage" qui me ramenait à Tunis, entre un jeune couple vivant à Rouan, elle née en France, lui l'ayant épousée pour pouvoir venir travailler en France; et tous les deux pro Ennahdha; avec une belle brune tunisienne née en France, mariée à un suisse et vivant en Provence. Cette dame était ahurie des absurdités que débitait la dame du jeune couple qui ne cessait de commenter la condition de la tunisienne avec ses "on dit que..." , pour conclure dans le sens de son mari de ce qui est "halel" (licite) et de ce qui est "haram" (illicite), alors qu'à l'évidence elle n'a aucune culture ni religieuse ni tunisienne mais prenant aveuglément les arguments de son mari pour de l'argent comptant. Il n'a cessé de critiquer l'Occident. A la fin, la dame brune excédée, dénonce l'hypocrisie du mari en lui disant que son mariage a tout l'air d'un mariage "arrangé" pour venir travailler en France. Il est vrai que sa femme est grosse et dénuée de toute beauté. Elle lui demande par respect pour le pays qui l’accueille de cesser son dénigrement des occidentaux qui le font vivre; sinon qu'il soit cohérent avec lui même et qu'il retourne en Tunisie avec sa femme qui partage ses idées bien que née et n'ayant vécue qu'en France, si l'Occident est tant, qu'il le décrit, infréquentable ! Logiquement, lui dit-elle, il devrait vivre parmi les siens en Tunisie qu'il décrit futur paradis avec Ennahdha au pouvoir.


C'est lors de la traversée, que j'apprendrai la fin de la momie Kaddahfi. Un grand ouf de soulagement ! 
Depuis la révolte des tunisiens, ce tyran constituait une réelle menace pour notre révolution. Tant qu'il était en vie, son pouvoir de nuisance pour la Tunisie, dont il était l'ami de son tyran ZABA, m'inquiétait beaucoup.
Il aura fini comme un rat, piétiné par son peuple qu'il traitait de rats et qu'il piétinait comme tels.
Mon espoir est que les libyens optent pour une réelle démocratie. Nos deux peuples peuvent se soutenir mutuellement, car liés par une histoire commune. Et les milliers de réfugiés en Tunisie ont beaucoup apprécié l’accueil que leur avaient réservé les tunisiens, eux-même dans la difficulté. Ils s'en souviendront, j'en suis sûr. 
Vivement que les syriens et les yéménites en finissent avec leur tyran eux aussi.   


Rachid Barnat